La Cop21 est déjà derrière nous et la Cop22 au Maroc est encore bien loin. C’est dans ce contexte que le premier ministre a donné son aval au maintien du déversement de flux industriels au large de Cassis (Var) pour une durée de six ans. Le Parc national des calanques n’est donc pas plus sacré que les jardins des Serres d’Auteuil toujours sous la menace, avec l’accord du premier ministre, de céder une large partie de sa superficie au stade voisin de Roland Garros. Dans les deux cas, la titulaire du ministère de l’écologie a dû plier après avoir manifesté (vertement) son désaccord.
De son côté, le locataire de Matignon n’est pas réputé pour ses convictions écologiques. En bon communicant, il a semble-t-il, les yeux rivés sur les tendances d’opinion et les échéances de son propre agenda, orientées sur l’élection présidentielle de 2022. Dans les priorités de l’opinion, outre une large majorité pour l’inscription de la déchéance de la nationalité dans la Constitution expliquant l’actuel entêtement du pouvoir, il y a évidemment l’emploi et c’est ce qui vient de faire la différence au détriment des eaux turquoises entourant Cassis et emplissant ses calanques. « L’ordre est venu du premier ministre » a accusé Ségolène Royal tandis que Matignon opposait un démenti se défaussant sur un conseil d’experts en charge du dossier. Mais le préfet de région avait tout de même lâché quelque jours auparavant que la décision du 29 décembre : « C’est la position du gouvernement et je l’applique.» On dirait qu’entre le chef du gouvernement et sa ministre l’ambiance bac à sable perdure d’autant que la seconde, en charge du développement durable et toutes les compétences qui l’agrémentent, n’est du genre à se faire marcher sur les pieds sans réagir. Et c’est également une bonne connaisseuse des clivages d’opinion.
Sur le site de Gardanne, l’usine Alteo va pouvoir continuer à expédier ses produits toxiques au large dans une fosse profonde de trois cents mètres et, il faut bien sûr le mentionner, sauvegarder au passage 400 emplois directs et 250 en sous-traitance. L’affaire passera d’autant mieux qu’il ne s’agit plus de boues rouges mais de flux transparents pré-traités comprenant néanmoins chaque jour plusieurs tonnes d’aluminium et autres ‘éléments toxiques comme l’arsenic ou le mercure. Mais cela ne se verra pas.
Et c’est peut-être ce que retiendront d’autres industriels toujours en butte à la vigilance des associations environnementales. La pollution invisible, telle la radioactivité, c’est toujours mieux que ce qui salit l’écran. Les estivants de Cassis pourront continuer à se baigner l’été avec l’évidence d’une eau propre.
Pour ce qui est du climat, nous n’en sommes pas encore là. Si les particules fines dues à la combustion des énergies fossiles sont invisibles, les chapes de brouillard polluant, en plus d’être nocives pour nos poumons, de freiner notre respiration, redécorent nos cieux urbains de gris nuancés de jaune. Ah si elles étaient invisibles, c’est sûr que, sans trop jouer sur les mots pour trouver une belle chute, l’opinion serait moins… regardante.
PHB