Temps bouché pour l’environnement

Près de 400.000 personnes auraient défilé hier en France pour le climat. C’est peu, c’est beaucoup. La médiatisation de cet événement aidera sans doute à faire comprendre à d’autres que les émissions de gaz à effet de serre dérèglent l’atmosphère autant qu’elles le rendent moins respirable. On aimerait que cela soit suivi d’actions tangibles qui incluent toutes les sources de pollution y compris l’aviation ou le transport maritime, y compris le monde industriel dans son ensemble. Cependant il est bien dommage que la mobilisation ne s’effectue que sur une mince partie du problème: la protection générale de l’environnement.L’idée de préservation n’est pas nouvelle, elle remonte au moins aux années soixante-dix avec cette incontestable figure de l’écologie qu’était René Dumont. À l’époque il y avait une idée générale qui ne se propageait pas avec le jargon d’aujourd’hui. On n’utilisait pas de mots compliqués, c’était davantage facile à comprendre. Il ne fallait pas salir le bas-côté des routes, les plages, l’océan, la campagne, la montagne. Et l’on voulait déjà respirer un air plus pur. Beaucoup de choses ont été faites durant plusieurs décennies. Les voitures sont devenues plus propres, les entreprises plus vertueuses, le recyclage des déchets a été intégré. Les efforts faits à l’époque et jusqu’à présent sont rarement évoqués, comptabilisés. Le regard se porte toujours sur le verre à moitié vide et avec raison.

Car entre 1970 et 2019, il y a donc près de cinquante ans, la population mondiale a doublé, passant de 3,5 milliards à 7 milliards d’individus. La pollution générale s’est indexée sur cet accroissement affolant. Moyennant quoi les scientifiques ont détecté un réchauffement atmosphérique corollaire qui nécessite que l’on s’en préoccupe. Mais à côté de cela on assisté à un affaissement des espèces vivantes, à une utilisation irraisonnée de produits nuisibles comme les désherbants et les pesticides, à une consommation exagérée de matières non renouvelables comme le pétrole et singulièrement les éléments rares qui font marcher les ordinateurs ou les batteries des voitures électriques. Les politiques qui se sont emparés du sujet sont devenus des spécialistes pour désigner les coupables. En matière de déforestation par exemple il est coutumier de désigner les États de l’île de Bornéo ou l’État du Brésil. Alors que la France pour ne citer que cet exemple a laissé perdre au fil des siècles une quantité considérable de sa forêt au profit de cultures intensives comme le blé ou le tournesol et jusqu’à la bétonisation effrénée des sols. Pourtant c’est elle, la forêt,  qui climatise et qui protège les espèces. L’évidence est sous notre nez mais comme disait Jacques Chirac, « on regarde ailleurs ».

Les sociétés modernes sont bourrées de contradictions qui rendent peu lisibles et peu crédibles les politiques en faveur de l’environnement. Ceux qui tiennent les micros ne donnent pas toujours l’exemple en favorisant incidemment le tourisme de masse hautement polluant tout en dénonçant le travailleur pauvre qui ‘a pas d’autre choix que d’utiliser son vieux diesel pour se déplacer.

C’est pourquoi les marches pour le climat, en ne s’intéressant qu’à une partie du problème, ne font pas forcément œuvre utile. Chacun doit bien sûr pouvoir évoluer dans une atmosphère protégée des nuisances et jouir d’un environnement global compatible avec toutes les espèces y compris le genre humain. C’est d’une marche pour la protection de la nature dont nous avons besoin, de politiques qui vont avec et de progrès scientifiques allant en ce sens. Peut-être que pour cela il faudrait aussi se réapproprier La Terre et cesser de l’anonymiser comme une « planète » abstraite.

 

PHB