Le dérèglement en question

Si les mots ont un sens, le projet de loi constitutionnelle adopté par l’Assemblée nationale le mardi 16 mars suscite au moins une question d’importance. Il vise en effet à introduire la «garantie» de «la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique». Fort bien. Mais quand on parle (et qu’on écrit) le mot dérèglement, c’est nécessairement par rapport à un règlement. Il n’y pas besoin d’être un grand juriste pour comprendre qu’il manque une référence. On peut cependant, en écartant tout mauvais esprit, percevoir dans cette phrase qu’il s’agit de retrouver les équilibres atmosphériques de l’ère industrielle.Celle-si se situe globalement entre 1850 et 1900, une période où la population mondiale était bien moins nombreuse qu’aujourd’hui. Faudrait-il par exemple copier-coller l’année 1851 marquée par une chaleur précoce au mois d’avril et une descente de froid précoce à la fin du mois d’août? Et fixer ainsi une moyenne obligatoire et « garantie » des températures?

Où faudrait-il placer le curseur? Les archives météorologiques sont pleines d’enseignements à ce sujet. De l’explosion du volcan islandais Laki en 1783 qui occasionna une vague de froid sans précédent en Europe, à l’épisode caniculaire de la France en juillet 1859, tout indique, sans remonter au mésozoïque et son ambiance tropicale, que la variabilité climatique se rit des règlements et des lois. La météo n’est qu’une suite de dérèglements face à un référent qui n’a jamais existé. Certes, l’ère de l’anthropocène, caractérisée par une augmentation exponentielle de l’activité humaine et de son incidence sur les températures, est venue ajouter un variable. On l’a même mesuré. L’écart est actuellement de 1,2 degré par rapport à la fameuse période industrielle, cependant que l’on trouve des écarts équivalents et même plus importants lors de la période la précédant. Ainsi le graphique (ci-dessous) que l’on peut découvrir sur le site de Météo France fait apparaître un écart moyen de deux degrés à la hausse en 1778 par rapport aux moyennes saisonnières et de deux degrés dans l’autre sens peu après 1808.

Ce que veut dire le texte de loi voté hier et d’une façon générale la plupart des recommandations publiées depuis la Cop 21, c’est qu’il serait bon que les activités humaines ne transforment pas la vie sur Terre en sauna permanent. Nous sommes bien d’accord là-dessus mais il faudrait commencer par choisir avec davantage de pertinence les mots choisis pour compléter le texte sacré de la Constitution.

PHB

Photo d’ouverture: PHB