En laissant entendre que l’usage des centrales nucléaires françaises, théoriquement arrivées en fin de vie, pourrait être prolongé de dix ans, la ministre Ségolène faisait deviner à qui voulait bien le comprendre, la panne économique, la déficience stratégique et la piteuse (fin?) de carrière de ce qui devait être au départ la figure de proue de l’ingéniérie française. Avec l’impression de plus en plus tangible que l’on ne sait plus où ira, de façon certaine, Areva.
Symbole d’excellence, cette entreprise sous le contrôle objectif de l’Etat cumule les faux pas. Son réacteur EPR qui devait être livré en 2009 sur l’île d’Olkiluoto en Finlande fait lanterner son futur propriétaire tout en explosant les coûts. Celui de Flamanville, avec sa cuve fissurée, sera peut-être livré en 2016. Les milliards de surcoûts plombent le bilan, la dette cumulée se monte en ce début d’année à dix milliards où se niche la déplorable « affaire » UraMin et ses gisements d’uranium apparemment inexploitables. L’Etat (les Français donc) mettra la main à la poche qu’il a profonde (l’extensible dette) et EDF ou encore le Chinois CNNC (China Nuclear Corporation), compléteront le dispositif en entrant au capital. Le plan définitif n’est pas scellé.
Hormis le bilan tout de même enviable du pourcentage (près de 80%) de la fourniture d’énergie en France, le nucléaire hexagonal semble embourbé. La gestion des déchets, l’inévitable (même repoussée) fin de vie des centrales, tout cela n’incite guère à l’optimisme. Il y a eu quelqu’un pour dire un jour que le nucléaire est un avion que l’on sait faire décoller mais que l’on ne sait pas faire atterrir, chaque génération d’ingénieurs et de politiques se repassant la patate chaude en espérant secrètement que les avancées technologiques finiront par sortir la filière (si prestigieuse…) du mauvais corner où elle est bloquée.
Bien sûr tout n’est pas « que » noir. Le nucléaire nous permet de ne pas importer une grosse partie du gaz ou du charbon qu’il faudrait utiliser à la place et les 19 centrales actuelles (58 réacteurs) ne rejettent que de la vapeur d’eau: une bonne chose pour le climat. Et surtout le courant est là, disponible, généreux faisant tourner une multitude d’appareils y compris les voitures électriques en libre-service.
Mais enfin du premier réacteur en construction à Chinon en 1957, en passant par le méga-flop de Superphénix ou UraMin, jusqu’à l’arrogante tour Areva qui surplombe La Défense, que de tâtonnements, que d’erreurs successives, que d’imprudences, que de milliards engloutis.
En France tout finit toujours par s’arranger, c’est tout ce que l’on peut se dire pour se réconforter quand l’entreprise Areva se voit contrainte de naviguer en eaux troubles à périmètre inconstant. Economies, investissements, ajoutés à un (gros) carnet de commande (sans Areva NP, ingéniérie des réacteurs qui filera en principe et en partie chez EDF), sont des éléments qui peuvent faire espérer un redressement de la situation avec une entreprise finalement remise sur les bons rails. Croisons les doigts.
Après l’annonce de Ségolène Royal sur la prolongation de dix ans, « EELV appelle le gouvernement à faire preuve de réalisme économique, de pragmatisme et d’ambition en matière d’énergie« . Ce message du parti écolo n’est pas destiné à prolonger l’aventure nucléaire bien au contraire, mais pourtant il lui va comme un gant.
PHB