« Smart Navigo » pour les nigauds dociles

Ticket de métro. Photo: PHB/JDC

Ticket de métro. Photo: PHB/JDC

L’annonce par Valérie Pécresse de la disparition prochaine du ticket de métro devrait nous alerter au lieu de nous faire sourire. Derrière des raisons exclusivement pratiques, du moins espérons-le, la disparition de ce mince morceau de carton à l’horizon 2021, matérialise une fois de plus un petit bout de liberté qui s’en va. Il était vendu à un prix dissuasif mais représentait et ce n’est pas qu’un symbole, la possibilité de voyager anonymement, c’est à dire librement. Le fait de l’acheter exclusivement avec les moyens modernes de paiement électronique aggravera davantage cette dérive orwellienne dans laquelle les sociétés modernes se laissent glisser sottement.De nos jours, toucher aux libertés sous des prétextes variés et toujours inattaquables (santé, sécurité, environnement) est devenue une pratique très courante, à droite comme à gauche. Chaque jour, la liste des interdictions et des obligations s’allonge. Dans les années à venir, détaillait la présidente de la Région Ile de France dans les colonnes du Journal du Dimanche dans son édition du 22 mai, le « Pass Navigo » devrait céder la place à un « Smart Navigo », sorte de « navigo pour les nigauds dociles » qui permettra de sauter d’un moyen de transport à un autre (du métro au vélo, du co-voiturage à l’Autolib’) et de payer cette mobilité sans contact avec l’argent que l’usager  aura bien voulu charger sur sa carte à tout faire. La disparition progressive de l’argent liquide viendra accentuer le traçage possible de tout un chacun même si nos gentils organisateurs s’en défendent avec une indignation qui fait peine à entendre tellement elle sonne faux. Pourtant, comme le constatait avec justesse l’écrivain américain Charles Bukowski, « les paranoïaques ont toujours raison« .

Se sentant pousser des ailes, Valérie Pécresse n’excluait pas non plus dans son interview, que son bidule puisse également servir à s’acquitter du prix d’entrée dans un musée ou serve à louer une chambre d’hôtel. Si l’on ne se rappelle plus un jour le détail précis d’une journée depuis le saut du lit jusqu’au coucher, le « Smart Navigo » le saura à la seconde et au mètre près.

Il est singulier d’observer par contraste que dans des sociétés nettement moins démocratiques que les nôtres, plus pauvres aussi, moins saines, plus dangereuses parfois, que ce que nous perdons et ce que nous nous apprêtons à abandonner, y est préservé. Dans maints pays, il est toujours possible de circuler dans n’importe quel type de transport, dans une voiture hors d’âge sans ceinture de sécurité, sans casque si c’est en moto, souvent sans assurance et pour tout dire en classe « tous risques ». La fin du jour en vie n’y est jamais garantie mais, il règne un parfum de…comment s’épelle le mot déjà?

PHB