Incohérences

Rarement la question climatique n’aura suscité une telle ambiance panique. Dans les médias, sur les réseaux sociaux, l’heure est à l’alerte générale. Les glaciers fondent, le niveau de la mer monte tandis que celui des lacs baisse, les insectes disparaissent et plus globalement la faune sauvage. Un « continent » de plastique apparaît dans l’océan atlantique, les pesticides nous empoisonnent. Difficile de rester de marbre quand chaque jour les médias, les réseaux sociaux, les collègues de bureau relaient les mauvaises nouvelles qui apparaissent inopinément comme des pop-up. Les plus déstabilisantes commencent toujours par « selon une étude », la formule magique qui authentifie tout. Et les donneurs de leçons sont légion quand bien même leur comportement est en incohérence flagrante avec leur discours. Ainsi la mairie de Paris a beau jeu de parler de « l’urgence climatique » quand par ailleurs la même ville accueille chaque année des millions de touristes qui pour pour un aller et retour au pied de la Tour Eiffel laissent dans le ciel une empreinte carbone phénoménale. L’agitation générale atteint un niveau sonore inédit. La plupart des messages sont incohérents et ceux qui les délivrent oublient au passage de réfléchir.

Ne serait-ce que sur la question de la déforestation. On entend beaucoup parler de la déforestation sur l’île de Bornéo au profit de plantation d’arbres visant à produire de l’huile de palme. Vu de France il s’agit d’un scandale constant. Mais a-t-on oublié ce qui s’est passé dans l’hexagone? Afin de planter de la vigne, du blé ou du tournesol, la France a, au cours des siècles, perdu 70% de sa surface boisée. Cette manne naturelle qui permet justement de préserver la faune, de recycler le carbone ou mieux encore de rafraîchir l’atmosphère. Le 25 octobre quelque 1200 forestiers et simples citoyens ont -très justement- manifesté dans le département de l’Allier, leur refus que la forêt française -ce qu’il en reste- devienne « une usine à bois« . Un excellent reportage a été publié à ce sujet sur francetvinfo.fr où l’un des manifestants déplore la « malforestation » consistant à « des coupes rases, la replantation d’une seule essence, l’usage d’engrais et de pesticides, le labourage et la destruction de l’humus » et aboutissant « à un appauvrissement des sols et une perte de la biodiversité« . Le Parisien daté du 30 octobre évoque la situation en Île de France laquelle rien qu’entre 1990 et 2012 a perdu 11,7% de sa surface boisée soit 66 hectares par an. Cette fois ce n’est pas tant la culture qui en cause mais la bétonisation des sols qui ne s’est jamais si bien portée que ce soit pour amputer un jardin (Les Serres d’Auteuil) au profit d’un court de tennis ou défricher une partie du vieux bois sauvage de Romainville afin d’y implanter un centre de loisirs.

Echassier, jardin Serge Gainsbourg, Paris 20e

Certes tout n’est pas si noir en France. Il y a des choses qui se font sur le littoral, dans nos forêts ou dans nos villes qui mériteraient plus de publicité ne serait-ce que pour contrebalancer tout ce qui se dérègle par ailleurs. Mais il s’en faut de beaucoup pour que le pays soit déclaré vertueux. Nous nous donnerions pour ambition de restaurer admettons 10% de la surface boisée dans son état d’origine, ce serait un vrai signal, un vrai changement de cap qui permettrait de parler aux autres pays avec un peu plus de cohérence et de crédibilité.

PHB