Cette photo a été prise le 1er janvier 2020 sur un grand boulevard parisien. On ne précisera ni l’heure, ni le lieu précis, l’idée n’étant pas de dénoncer deux personnes en particulier. Chacun de ces employés porte un gilet jaune avec inscrit la mention « propreté de Paris ». Ils devisent. L’un tire un balai. L’autre tracte une poubelle et un balai. Ils viennent de passer devant une surface jonchée de détritus. Mais ils ont continué leur chemin, sans y jeter un œil. On pense d’abord aux indélicats qui avaient jeté sur le trottoir différents objets en plastique ou en carton (gobelets, assiettes…). On songe ensuite stupéfait à ces employés qui ne ne sont pas arrêtés une seconde. On réfléchit ensuite aux incantations continuelles sur le climat et la protection de la planète bleue et l’on se dit que tout cela est bien mal parti.
La communication climatique a semble-t-il occulté l’essentiel de l’action écologique telle que la définissait René Dumont dans les années soixante-dix. À cette époque, l’ambition était plus large. Et en même temps beaucoup plus simple puisqu’il s’agissait plus prosaïquement, de protéger la nature. Des choses ont été faites, des progrès réalisés, certes. Cependant que dans le même temps la croissance démographique mondiale et ses effets dévastateurs sur l’environnement prenaient une ampleur considérable.
De nos jours « la lutte contre le climat » est au centre de tout, devance tout. Alors que c’est la préservation générale de l’environnement qui devrait être au cœur des discours et incidemment de l’action politique. Moins polluer, mieux respirer, moins de déchets, mieux recycler, tout cela contribuerait au bout du compte à une limitation du réchauffement climatique. Cette finalité d’une température plus naturelle n’est qu’un objectif parmi d’autres et ne caractérise certainement pas le chemin qui y mène. Dans ce domaine, le bourrage de crâne est on ne peut plus contreproductif, égarant la compréhension.
On le sait, deux éléments majeurs de la planète Terre contribuent à réguler naturellement l’atmosphère et donc le climat: les océans et les forêts. Dans le premier cas, rien ne permet hélas d’envisager l’avenir avec optimisme. La mer, les mers, charrient tous les déchets possibles de la production humaine. Nos océans en sont devenus malades et la faune (et la flore) maritime en souffre excessivement. La majeure partie des eaux est malheureusement non territoriale et de fait, tout semble permis. Là encore, derrière les discours, rien n’est pratiquement fait. Plastique, pétrole, ordures variées, déchets nucléaires, la mer « libre » célébrée par Baudelaire n’est plus, au mieux qu’un souvenir, au pire un égout.
Au chapitre forestier en revanche, il y a du bon et du moins bon. Le moins bon c’est évidemment le Brésil ou ces endroits d’Asie où l’on pratique la culture intensive de palmiers à huile au mépris de la flore et de la faune, mais il semble qu’en Europe, la forêt regagne du terrain. Selon un article du Point daté du 16 septembre 2019, l’Union européenne a ainsi récupéré en quinze ans 90 000 kilomètres carrés, « soit la taille du Portugal ». Ce dont on peut se féliciter. Toujours à l’été 2019, l’Éthiopie (pourtant l’un des pays les pus pauvres au monde) a annoncé sa volonté de planter quatre milliards d’arbres. Et elle est passée immédiatement à l’action ayant fiché dès le début du mois d’août 350 millions d’arbres en terre. On attend le niveau des quatre milliards mais il est notable que derrière les mots il y a eu la mise en branle immédiate d’un projet.
D’autres reboisent. La nation islandaise cherche en effet à restituer la forêt décimée il y a fort longtemps par les vikings, notamment pour construire des navires. Moins de 1% du territoire islandais est aujourd’hui boisé. Une dépêche AFP du mois de juillet racontait que le gouvernement islandais a fait du reboisement l’une des priorités de son nouveau plan d’action pour le climat. Objectif: réduire de 40% d’ici 2030 ses émissions nettes de gaz à effet de serre pour atteindre les engagements pris à la COP21. Le processus est très lent sur ces terres à croissance lente mais il va dans le bon sens paradoxalement aidé par le réchauffement. Et surtout il commence par le début.
Comme celui, pour reprendre le début de cette chronique, qui consisterait à ne pas confondre les rues de Paris avec un dépotoir. Et de faire en sorte quand ce n’est pas le cas, que les ordures jonchant le sol soient ramassées. Cela rendrait les grands discours à répétition plus crédibles. Et pas seulement dans la capitale française qui a effectivement connu des jours meilleurs.
PHB