Froids volcaniques

Dès le début de l’année 1709, Louis XIV fait face à un imprévu d’importance. Une vague de froid submerge en effet l’Europe bien au-delà du printemps, occasionnant une famine épouvantable. Les fleuves, les canaux de Venise et même la mer gèlent. Dans sa biographie du Roi Soleil sortie en 1979, Michel de Grèce (bien peu amène pour son lointain parent), explique que si la plupart des pays européens ont prudemment fait des réserves de blé, ce n’est pas le cas de la France dont les caisses par ailleurs, sonnent tragiquement creux. Ce moment de l’histoire climatico-politique amène à se poser la question de l’origine de ce froid polaire. Et selon certains historiens, ces températures anormalement basses seraient dues, les deux années précédentes à de grosses éruptions volcaniques, d’une part du Mont Fuji au Japon (ci-contre par Hokusai) et d’autre part du Mont Vésuve dans la baie de Naples. Elles venaient perturber par leurs énormes émissions de gaz, l’effet calorifique des rayons solaires.

À l’heure où chacun est prié de se joindre toutes affaires cessantes à la liturgie mondiale autour du réchauffement climatique (+1,2 degré en moyenne depuis le début de l’ère industrielle) cet événement de 1709 qui contribua à accroître l’impopularité (1) de Louis XIV, nous conduit à regarder de plus près ces volcans qui au contraire de l’activité humaine, s’appliquent à refroidir l’ambiance.

En plongeant plus profondément dans l’histoire, l’on ne peut que constater que ces interactions entre l’activité volcanique et le climat sont nombreuses. Les plus anciennes données météorologiques qui l’attestent, ne proviennent pas de relevés qui n’existaient pas encore mais de la dendrochronologie, cette technique scientifique qui permet de connaître la météo des temps anciens à partir de l’écart enregistré sur les anneaux des troncs d’arbres retrouvés. Ainsi que le recense une page Wikipédia fort bien faite, on peut ainsi relever des hivers volcaniques importants en 44 avant Jésus-Christ via une explosion de l’Etna ou encore en 200 après JC  (ou 186) suite à une éruption majeure en Nouvelle-Zélande et perçue jusqu’en Chine. Dans les deux cas les conséquences ont été mondiales avec ce que l’on considérait à l’époque, faute de mieux, comme des phénomènes célestes.

Plus proche de nous, en 1783, l’éruption du Laki en Islande a été tellement violente, occasionnant une pollution bien supérieure à tout ce que l’on produire en Europe de nos jours sur une année pleine avec un rafraîchissement notable, que l’on attribue aux famines qui s’ensuivirent, une partie des origines de la Révolution de 1789. La monarchie française, de Louis XIV à Louis XVI coulait ainsi au rythme des soulèvements de lave et de la baisse du thermomètre.

Voilà comment en quelques minutes ou quelques mois, un seul volcan peut rebattre les cartes de l’humanité, de son bien-être et de son organisation. Rien qu’en 1991, il y a seulement trente ans, il est admis que l’explosion du stratovolcan Pinatubo aux Philippines a occasionné à elle seule un refroidissement mondial de deux à trois années. Si ce n’était nos chers vignobles mis à mal ce printemps 2021 par un froid politiquement incorrect, on en serait presque à souhaiter qu’un volcan lâche à nouveau ses gaz de façon à nous reposer des dogmatiques moulins à paroles, de ces oiseaux de malheur, lesquels sur toutes les antennes et sans avoir besoin de vent, ne cessent de vouloir nous contrarier quand on voudrait précisément se détendre. Le message est bien passé et repassé, nul besoin d’incantations au quotidien, c’est contreproductif, surtout à l’heure de l’apéritif.

Le monde politique d’aujourd’hui voudrait en revenir, pour ce qui est des températures, à l’ère pré-industrielle. Comme s’il s’agissait d’établir un climat fixe pour l’avenir, dûment réglementé, avec des quotas de pluie, de neige et de soleil. Pas sûr que Louis XIV qui tenait pourtant son pouvoir de Dieu, aurait prétendu ainsi pouvoir commander les éléments à sa guise. On se fixerait pour objectif de respirer un air davantage pur, en plantant davantage d’arbres par exemple (ce climatiseur naturel) ou en roulant à l’hydrogène, ce serait plus simple (à faire et à comprendre) et l’on ferait ainsi d’une pierre deux coups. Jusqu’à ce qu’un volcan, n’obéissant pas aux lois humaines et peu sensible aux échéances électorales, vienne pour un temps, faire chuter le mercure.

PHB

(1) Ce que Churchill (1874-1965) disait de Louis XIV: « Durant toute sa vie (il) fut la peste et la malédiction de l’Europe. Jamais pire ennemi de la liberté humaine n’est apparu comme le traquenard de la civilisation policée (…). Le vernis de culture et de bonnes manières, de brillantes cérémonies et d’étiquette élaborée, surélève seulement l’infamie de l’histoire de sa vie. » (Citation reprise dans l’ouvrage de Michel de Grèce)