Un message qui passe mal

L’inquiétude climatique ne date pas d’hier. Déjà sur le seuil de sa caverne, l’homme préhistorique s’inquiétait du froid, de la chaleur, du manque de pluie ou d’un trop-plein de précipitations. Le climat changeait et depuis n’a cessé de varier. Ce qui change depuis un gros siècle et l’avènement de l’ère industrielle, c’est que désormais l’humanité, avec ses émissions de gaz à effet de serre, y est pour quelque chose. L’activité des hommes est venue compléter les autres ressorts des modifications atmosphériques que sont le soleil, les océans ou encore l’activité volcanique. Depuis trente ans que le GIEC se penche sur la question, les rapports se succèdent et se font plus alarmistes. Les discours politiques ont systématiquement intégré une problématique que les médias relaient abondamment avec un net effet d’amplification. Et pourtant, l’inquiétude est loin d’être globale. Si l’on regarde ce qui fait (en France) les tendances sur Twitter seulement 48 heures après la révélation du premier volet d’un rapport dont la totalité est attendue pour l’automne, il est frappant de constater que les préoccupations des membres de ce réseau sont autres. Il y est question du RER B, d’une manifestation en lien avec le passe sanitaire prévue pour le 14 août ou encore de la politique polonaise. Il faut en effet activer le hashtag « climat » pour trouver des réactions dédiées au sujet. Lesquelles vont du déni à la panique en passant par un relativisme par toujours bien informé.

Pour autant le constat du GIEC est sans appel : la hausse de la température globale s’est encore accentuée, à un rythme qui nous fera probablement dépasser le seuil de 1,5°C de réchauffement depuis l’ère préindustrielle entre 2021 et 2040. Un chiffre qui peut paraître faible dans l’absolu mais qui est (et sera) sans doute à l’origine de la répétition de phénomènes météorologiques extrêmes. Malgré cela, le message (une fois retraité) ne passe pas bien, sans doute parce qu’il est mal expliqué, parce qu’il se trouve bien souvent expurgé de ce qui pourrait le nuancer et aussi parce qu’il détourne le regard d’autres problèmes environnementaux tout aussi cruciaux, comme la raréfaction des espèces ou encore la pollution des océans. On peut comprendre les interrogations du citoyen de base qui doit engloutir tant de données liées à l’écologie pour peu qu’il s’y intéresse après une journée de travail et avant d’affronter les problèmes du foyer. À lui faire de la synthèse de ce fatras. À lui de comprendre que le ralentissement du Gulf Stream n’est pas une bonne nouvelle bien que mécaniquement il refroidirait ainsi l’Europe. À lui encore de faire la part des choses entre le nucléaire et le charbon et d’en conclure que sa voiture électrique sera par conséquent plus vertueuse en France qu’en Allemagne. L’alarmisme aidant, l’humanité est passée en cinq décennies d’un message facilement compréhensible, « la nécessité de respecter et de préserver l’environnement », à une dramaturgie écologique indigeste. Moralité ça ne passe plus. Le triptyque en trois verbes qui semble-t-il émerge, soit réduire les émissions, compenser les émissions, s’adapter au changement, est peut-être en ce sens un signe de progrès.

PHB